André Renard – une biographie qui pose les bonnes questions

Le livre1 de Pierre Tilly est essentiel pour tout militant syndical et politique qui se préoccupe de l’avenir du mouvement ouvrier belge dans un contexte européen. André Renard a été un acteur syndical et politique emblématique qui a marqué le siècle dernier en Belgique. Détesté ou admiré, il vit encore aujourd’hui dans le cœur de milliers de militants. Les courants d’idées auxquels il se rattache, l’anarcho-syndicalisme et le régionalisme sont toujours bien présents dans le mouvement ouvrier belge et européen.
Cette biographie apporte une énorme masse d’informations précises sur l’histoire du mouvement ouvrier, tant chrétien2 que socialiste
– et accessoirement communiste – dans la période de 1900 à 1960 en Belgique et en Europe. Tilly n’hésite pas à démystifier le personnage3 et nous possédons grâce à ce document de 810 pages tout ce qui est nécessaire à une évaluation nuancée.
D’une guerre à l’autre (1911-1939)
André Renard (1911-1962) est issu d’une famille ouvrière de Seraing. Il fait des études d’ingénieur-technicien en cours du soir. En 1932, après son service militaire, il se fait engager comme chronométreur aux hauts fourneaux d’Espérance-Longdoz. Syndicaliste, il soutient la résistance des travailleurs contre le système Bedaux4 et est licencié en 1935.
Quelles influences Renard a-t-il subies ? Au début des années 1900, quand le syndicalisme se rassemble et s’unifie avec le POB5 à Liége, « les influences anarchistes et proudhoniennes sont incontestables. (…) Un noyau de syndicalistes révolutionnaires y professe dans une feuille syndicale intitulée Travail, une autonomie ouvriériste entre le “socialisme réformiste” et le “communisme autoritaire”. (…) Seul un syndicat politiquement indépendant, ayant un but révolutionnaire et organisé sur base fédéraliste peut assurer cette autonomie6. » Mais quand, en octobre 1911, se crée la Centrale des métallurgistes de la province de Liège, section de la Centrale des métallurgistes de Belgique (CMB), elle fait partie de la commission syndicale du POB et pratique la double affiliation (chaque affilié syndical est d’office affilié au parti).
En 1921, ce syndicat est secoué par une grève de neuf mois dirigée par Julien Lahaut, secrétaire syndical de la CMB et futur communiste. La grève sera désavouée par la direction de la CMB et, en 1924, les communistes seront exclus des postes dirigeants du syndicat7
André Renard, militant de base, joue un rôle actif dans la grève générale de l’été 1936 et monte à l’exécutif de la centrale à Liège. C’est à cette époque qu’il étudie le modèle de cogestion scandinave et s’en déclare partisan. Ce modèle est largement partagé par le mouvement socialiste belge. Sous des gouvernements homogènes socialistes, on y partage les fruits de la productivité. Il s’agit d’un genre de pacte social où les patrons reconnaissent le droit de se syndiquer et de négocier et où le syndicat reconnaît les prérogatives patronales en matière de recrutement et de licenciement, de direction et d’organisation du travail8.
Influences profondes
Le dirigeant socialiste De Man (1885-1953) a eu une grande influence sur Renard. Dans Au delà du marxisme (1929), De Man déclare le marxisme dépassé comme projet socialiste. Il rejette aussi l’idée de lutte de classe. De Man élabore un « Plan du travail », présenté comme la solution pour l’économie belge en crise. Il y trace une voie entre le capitalisme sauvage et le dirigisme communiste : l’économie dirigée. De Man observe que « le nationalisme fasciste fait appel à des forces d’impulsion politiques que le socialisme a trop négligées au cours des dix dernières années9 ». Il ne veut pas la nationalisation de toute l’économie. Il veut garder un secteur privé, mais libérer cette économie de l’emprise du capital financier. André Renard reprendra ces thèses dans les années cinquante. À l’époque, il déclare vouloir « lutter pour détruire surtout l’emprise de la Banque sur les usines et réaliser une étape dans la marche vers le socialisme10 ».
Quand en 1937 la lutte pour le plan de De Man perd son crédit, Renard remet à plus tard la propriété des moyens de production et la juste répartition des produits du travail, car pour cela la majorité de la population doit d’abord comprendre le rôle des trusts, cartels et groupes bancaires. Il pense qu’ « il est possible d’arriver assez rapidement à la formation de cette majorité : par l’éducation. Le but, le fond, est le même que celui des thèses marxistes, mais les moyens différent (recours aux commissions paritaires)11 ». De Man va évoluer vers des positions autoritaires et fascistes qu’André Renard ne partagera pas.
À côté de De Man, Émile Vandervelde (1866-1938), avec son livre Le socialisme contre l’état (1918), influencera les conceptions de Renard sur le contrôle ouvrier.
Une troisième source d’influence est Georges Sorel (1847-1922), un théoricien du syndicalisme français, qui met en avant les producteurs dans la société, défend l’indépendance syndicale ainsi que le recours à l’action directe.
Quand éclate en Espagne la guerre civile contre le coup d’état fasciste du général Franco, Renard effectue des missions syndicales en Espagne. Contrairement à ce que le journal La Wallonie a pu écrire, il n’a jamais fait partie des Brigades internationales12.
André Renard est mélé à la rupture entre les Jeunesses syndicales et la Jeune Garde socialiste (JGS), où socialistes et communistes travaillaient ensemble et qui avait joué un rôle important lors de la grève de 1936. Il s’opposera au concept du front populaire et dira même : « Le plus sûr garant contre le fascisme ne se trouve pas dans les Fronts uniques ou autres Fronts communs, mais dans cette nette action de notre parti13 contre tous les partisans des méthodes totalitaires tant communistes que réactionnaires14. »
À l’issue de la grève de 1936, une première conférence nationale du travail se réunit à l’initiative du gouvernement et aboutit à la fixation du salaire minimum, à la première semaine de congés payés et à l’introduction des quarante heures dans le secteur des métiers lourds et dangereux.
Pierre Tilly fait remarquer que si André Renard se profile à l’époque comme un partisan du renouveau du syndicalisme socialiste, il va parfaitement s’intégrer dans les structures de la fédération de Liège, dirigées par des leaders réformistes comme Bondas et Delvigne15.
À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Renard se situe plutôt dans la tendance pacifiste et anticommuniste16. Il dénonce le corporatisme nazi et souligne que celui-ci a profité de la division du mouvement ouvrier allemand pour arriver au pouvoir. Il est vague quant à la responsabilité des sociaux-démocrates17 et il s’en prend avec virulence aux communistes quand le 30 septembre 1939 est conclu le pacte germano-soviètique18.
André Renard en pensée et en action (1940-1952)
Mobilisé en 1940, Renard est fait prisonnier de guerre un jour après la capitulation de la Belgique le 29 mai 1940. Il est envoyé en Allemagne mais libéré en 1942 pour des raisons de santé. Il aurait écrit à Henri De Man19 pour intercéder en sa faveur et en celle de ses quatorze compagnons wallons prisonniers. Selon l’historien Rik Hemmerijckx, il se serait à ce moment-là positionné comme favorable à l’UTMI20, le syndicat collaborateur créé par Henri De Man. En tout cas, la fédération des métallurgistes est devenue une sous-commission de l’UTMI à son retour. « Renard parlera après la guerre d’une véritable réquisition de l’UTMI en sa qualité d’ancien militant syndical21 »
Il devient alors actif dans la résistance, ce qui l’améne à une semiclandestinité dès la fin de 1943. Il n’adhère pas au Front de l’Indépendance mais à l’Armée de libération pour y fonder le service secret Socrates qui organise l’aide financière notamment aux réfractaires22. Le groupe Socrates lui-même entretient des liens avec l’Armée de libération, le Front de l’Indépendance, des responsables socialistes et le syndicat socialiste. En septembre 1943, il crée le KJ3, un service de renseignement et d’action auquel participent plusieurs futurs permanents syndicaux des métallurgistes. à la fin de la guerre, il aura le grade d’adjudant SRA (Service de renseignement de l’armée) reconnu par la résistance23.
Il va, dès son retour au pays en 1942, redevenir actif sur le plan syndical. Ses activités seront cofinancées par le baron Paul de Launoit, un grand financier de mouvements anticommunistes et fascistes, mais qui aidera aussi la résistance. À Liège, Renard réussira à fusionner les CLS24 communistes avec son organisation (MMU25) pour former le MSU26. Il les détache ainsi de leur ancrage communiste. La démission de Robert Lambion du PCB27 pour diriger le MSU en est une preuve.
En novembre 1944, Renard publie Pour la révolution constructive, un texte de 1943 où il « propose un nouveau modèle de société qui consacre la suppression du salariat qui sera obtenue par la démocratie économique28 ». Il y défend déjà la stricte séparation du rôle du militant syndical et du militant politique. Le premier ne pourra briguer des mandats ou des fonctions dans un parti politique.
Du leadership liègeois au secrétariat national (1944-1946)
À la Libération, le MSU de Liège organise pendant une semaine une grève générale régionale29. Une Conférence nationale du Travail30, à laquelle Renard ne participe pas, accorde 40 % d’augmentation des salaires conventionnels et une indemnité de 20 % des mêmes salaires pour les difficultés d’approvisionnement. Le MSU avait exigé une indemnité de 30 francs par jour plutôt qu’une augmentation salariale de 60 % revendiquée par la CGTB et la CSC31.
En même temps se tient un premier tour de table entre toutes les organisations syndicales belges y compris la CSC, le 31 octobre 1944. Mais quand, le 8 novembre, un comité provisoire d’unification est constitué, la CSC au nom du pluralisme syndical n’y participe pas. Renard réussit à faire adopter de nombreuses revendications présentes dans son texte La révolution constructive comme déclaration de principe de la nouvelle organisation. L’année 1945 est alors marquée par la fondation laborieuse de la FGTB32. Renard tente d’abord de consolider le MSU, le mouvement syndical unifié au niveau wallon. Les communistes vont formaliser leurs comités de luttes dans tout le pays à travers la CBSU, la Confédération belge des syndicats uniques. Devant la menace de fusion du MSU et du CBSU, l’ancienne CGTB accepte de convoquer le congrès de fondation pour fin avril 1945. Ce congrès est dominé par le débat sur le cumul ou non de mandats politiques et syndicaux. Les communistes vont se coaliser avec l’ancienne CGTB contre la position de Renard. Ils vont obtenir une légère majorité pour reporter la décision sur l’incompatibilité de principe du cumul33.
Au deuxième congrès de la FGTB en décembre 1945, Dejace, communiste, reste membre du secrétariat national, au détriment de Renard qui devient néanmoins président de la FGTB de Liège. À Liège, la fusion des organisations donne une majorité des deux tiers au MSU. La tension y est très forte, car l’interdiction du cumul amène l’exclusion de plusieurs militants communistes. Quand Le Drapeau rouge évoque une réunion où Dejace, secrétaire national de la FGTB mais aussi dirigeant du PCB, aurait tenu un discours aux militants syndicaux communistes, Renard réagit vigoureusement et obtient de la FGTB nationale que « les secrétaires de la FGTB ne peuvent réunir des cadres syndicaux sous l’égide d’un parti politique34 ».
Dans les années 1945-46, Renard va par ailleurs tenter d’unifier la FGTB et la CSC liègeoise. Un quart de la CCMB, les métallos chrétiens de Liège, est en effet affilié au MSU. « Une fois la guerre terminée, les principaux responsables syndicaux, chrétiens comme socialistes, n’ont pourtant qu’un mot à la bouche, les réformes de structure. Le mouvement syndical belge range au placard le contrôle ouvrier pour lui substituer une formule ayant une portée plus étendue, la cogestion35. » Le modèle d’André Renard est formulé dans un livre publié par la FGTB liègeoise en 1946 : Le nouvel homme, Homo syndicus. « Dans l’état de demain, ce sont les syndicats, porte-parole du monde des travailleurs organisés, qui seront appelés à organiser l’état, au bénéfice unique des travailleurs. » Mais il rassure les forces capitalistes. « La revendication de la cogestion ne doit pas apparaître comme un geste de brutalité et en dépit de la transformation profonde qu’elle apportera dans les rapports sociaux, ne doit pas être non plus considérée comme ayant un caractère nettement révolutionnaire36. »
La montée en puissance dans l’appareil syndical interprofessionnel (1947-1952)
En novembre 1947, sous pression du mouvement ouvrier, une loicadre sur les réformes de structure est déposée par le gouvernement Spaak, organisant l’économie (conseil d’entreprise, conseil professionnel, conseil central de l’économie).
L’année 1948 sera marquée par une alliance grandissante entre Renard et le PSB37 pour isoler et éliminer les communistes. L’unité syndicale n’est pas pour lui un but en soi, il veut avant tout empêcher les communistes de s’emparer du leadership syndical. Il parvient à ce que la direction de la FGTB se débarrasse, en janvier, du secrétaire national communiste Dejace. Mais il fera lui-même les frais de l’opération quand la direction nationale refuse de coopter deux militants du MSU au bureau national. Il démissionne de son poste de secrétaire national. Il voit derrière ces manœuvres la main du PSB et du PCB et se positionne pour la première fois comme défenseur des intérêts wallons38.
Au niveau du syndicalisme international, on s’oriente également vers la scission. Renard avait été un des négociateurs de la constitution de la FSM (Fédération syndicale mondiale) en 1945. Mais, début 1949, les Américains, Hollandais et Anglais se retirent de la FSM et la FGTB décide d’en faire autant. À Liège, Renard compose des listes de militants syndicaux à exclure sur base de leur participation à des activités du parti communiste. Ce mouvement va de pair avec un rapprochement avec le PSB dans l’action commune (dont font aussi partie les coopératives et la mutualité socialiste). « Le congrès de la FGTB de février 1948 voit l’influence de “l’aile droite” de la FGTB se renforcer suite à l’exclusion des communistes39. » Renard lance même un appel au pape en faveur d’une nouvelle encyclique. Est-ce pure tactique quand il écrit dans Volonté que la pensée chrétienne est arrivée à un tel degré de maturité que les termes ” socialisme ” et ” socialisation ” ne lui font plus du tout peur et qu’il est temps pour les chrétiens de passer aux actes40 ?
L’échéance des élections parlementaires de 1949 n’est certes pas étrangère à ce rapprochement. Mais ces élections repoussent le PSB (29 %), pour la première fois depuis la libération, dans l’opposition. Les communistes, eux, sont les grands perdants et la FGTB en profite pour refuser la proposition du PCB de participer au comité d’action commune qui formule une Charte du travail comme programme commun. Les premières élections sociales de début 1950 donnent la prédominance à la FGTB (avec 61,42 %), sauf pour les employés en Flandre où la CSC devient le syndicat majoritaire.
Le Conseil central de l’économie entre en fonction le 21 septembre 1949. C’est la clé de voûte des réformes de structure renardistes. Mais en 1956 Renard constate, amer, que les grands conflits sociaux se sont réglés entièrement en dehors de ce Conseil. Pour ce qui est des conseils d’entreprise, le patronat craint surtout « l’influence pernicieuse des syndicats socialistes, gangrenés par l’esprit marxiste et qui méneraient le jeu en Wallonie41 ».
Renard prend aussi position dans l’affaire royale. Il n’est pas tendre pour Léopold III : « Sa déclaration célèbre du 28 mai 1940, par laquelle il lance le premier appel à la collaboration économique, couvrait ainsi du manteau royal tous les tripotages malpropres des industriels marchands de canons. » Mais cela ne fait pas de lui un antiroyaliste, car il dira lui préférer un roi comme Albert Ier 42. La consultation populaire sur le retour du roi, organisée en mars 1950, donne 57,68 % en faveur du roi et 42,32 % contre, mais avec des différences sensibles entre le nord et le sud du pays (72 % en Flandre sont pour le retour, 48,16 % à Bruxelles et 42,11 % en Wallonie). La CSC ne prend pas position offciellement, car le sujet est, selon elle, politique et pas de son ressort. La FGTB organise des manifestations et meetings de protestation dans tout le pays. Le 21 mars, pour la première fois, Renard défend le fédéralisme au bureau national de la FGTB. Il participe, le 26 mars, au Congrès wallon, institution plutôt marginale, et y apporte l’adhésion de quelque 85 000 travailleurs manuels et intellectuels. Il note : « C’est pourquoi dans cette bataille contre Léopold III, nous commençons à réagir surtout en Wallons. C’est parce que nous sentons bien qu’en Wallonie, la démocratie économique est possible. Si nous ne savons trouver notre libération sociale dans le cadre d’une Belgique centralisée, il faut briser ce cadre43. »
Mais en avril la FGTB accepte le principe de la délégation des pouvoirs au prince Baudouin. La crise provoque la chute du gouvernement et de nouvelles élections le 4 juin apportent un gain de près de cinq points au PSB. La FGTB décide publiquement d’aider le PSB. Mais le 20 juillet les chambres réunies votent le retour du roi. Des grèves éclatent dans tout le pays, devenant insurrectionnelles surtout en Wallonie.
À Liège, un comité de direction du mouvement est composé avec les communistes, mais aussi des personnalités du PSC et des libéraux. On y aurait même parlé d’un gouvernement wallon provisoire et de Renard comme ministre de la Défense. Pierre Tilly fait part de ses doutes sur cette version des faits : « Cela relève peut-être aussi d’une volonté de vouloir récrire l’histoire sous le prisme d’une participation précoce de Renard au mouvement wallon de manière approfondie44. » Une marche sur Bruxelles est annoncée pour le 1er août et deux bataillons de l’armée belge sont rappelés d’Allemagne pour prendre position l’un dans le Hainaut, l’autre à Liège. Le 30 juillet, un meeting non autorisé se termine dans le sang : trois manifestants sont abattus à Grâce-Berleur.
Le lendemain, au moment même où les manifestants commencent à affluer vers Bruxelles, la décision tombe : Léopold III abdique en faveur de son fils. La marche n’aura pas lieu et dans l’après-midi, le bureau national de la FGTB et André Renard en personne considèrent la chose comme une victoire sur toute la ligne. Le 11 août Baudouin prête serment. Un nouveau gouvernement est constitué le 15 août. Julien Lahaut, accusé d’avoir crié « Vive la République » lors de la prestation de serment du prince Baudouin, est abattu devant son domicile par des milieux ultra-léopoldistes45.
En octobre 1950 éclate la guerre de Corée à laquelle la Belgique participe. La FGTB s’oppose à la prolongation du service militaire votée à cette occasion et Renard insiste sur le fait que face aux « menées, tant soviètiques que capitalistes », il faut travailler à une troisième force, une Europe progressiste et libre46.
Sur le plan intérieur, la Belgique est confrontée à de fortes hausses de prix qui vont mener, après une année de grèves, à un automne chaud en 1951. Des accords au conseil paritaire national du 20 octobre accordent une augmentation horaire extraconventionnelle et la pension fixée uniformément à 25 000 francs.
En mars-avril 1952, la FGTB exige à l’initiative de Renard une somme de trois milliards prélevés sur les profits. Elle devrait être ristournée aux allocataires sociaux, aux agents des services publics et aux travailleurs du secteur privé sous la forme d’une augmentation de 800 francs pour les huit mois de 1952 encore à courir. Mis en minorité dans la commission paritaire nationale, Renard présente sa démission comme secrétaire national. Mais quelques semaines plus tard, il se propose pour le poste de secrétaire général de la FGTB. Il est battu lors d’un vote le 16 septembre par une coalition de secrétaires syndicaux ayant des mandats au PSB dont Major, d’Anvers et Gailly, de Charleroi. Dans un geste d’apaisement on lui propose le poste de secrétaire général adjoint qu’il accepte. En février 1953, il devient régent de la Banque nationale de Belgique.
Syndicalisme d’intégration ou de transformation (1953-1956) ?
L’influence américaine en Europe connaît son apogée avec le plan Marshall d’aide à la reconstruction et le mouvement de la productivité durant les années cinquante. En février 1948, la FGTB se déclare favorable au plan Marshall et exige sa représentation dans les organes d’exécution. L’AFL (American Federation of Labour), le syndicat américain, soutient cette revendication de la FGTB, car : « le syndicat socialiste belge apparaît en Europe comme l’un des principaux appuis du plan et de la politique de l’AFL, très anticommuniste […] la stratégie menée par Major au sein de la FGTB vise avant tout à affaiblir le poids des communistes dans ses propres rangs. Le plan Marshall et son rejet par Moscou constituent la clé de rupture syndicale entre socialistes et communistes au sein de la FGTB47. » Fin des années quarante, Renard formule quelques critiques sur ce plan, mais il y revient dans le cadre des discussions sur la productivité, nécessaire et efficace à ses yeux.
Les méthodes américaines de gestion prolifèrent en Europe. En Belgique, cela prend la tournure du renforcement du modèle de concertation sociale autour de l’idée d’une croissance dopée par la productivité et une redistribution juste des revenus. En janvier 1951, un organe paritaire, l’Office belge pour l’accroissement de la productivité (OBAP), est créé.
En juin 1953, Lambion et Renard démissionnent de l’OBAP, mais en mai 1954 une déclaration commune sur la productivité est signée en présence du roi Baudouin. Cette collaboration avec le patronat va favoriser la mobilité, précipiter une mutation économique et mener à la fermeture des charbonnages. Les syndicats participent au premier congrès national de productivité en 1956, mais au deuxième congrès de 1959 ils déchantent : il y a 300 000 chômeurs !
Un programme travailliste pour des réformes de structure
Pour André Renard, il faut des réformes à la fois économiques, sociales et politiques. Elles sont formulées lorsque le PSB connaît un net recul au moment de l’affaire royale.
L’expérience des conseils d’entreprise s’est avérée décevante. La FGTB ne s’est pas sentie soutenue par le PSB malgré l’action commune. La FGTB propose une sorte de plan De Man. Le dirigeant syndical Latin propose au comité national de la FGTB en janvier 1949 : « On a assez parlé de planisme. Quand on est sorti de la crise 1931-1936, il y avait un plan de travail. Nous devons maintenant redégager pour la Belgique, en connaissance de cause et sachant que nous sommes tributaires des échanges internationaux, un plan intérieur48. »
Se crée alors une commission programmatrice au sein du PSB, même si la direction du parti n’en fait pas directement partie. Elle est composée d’Albert De Smaele, du cabinet de Van Acker et Spaak, Henri Janne, professeur libéral devenu socialiste, Evalenko du service d’étude du PSB et spécialiste des nationalisations, Jacques Yerna, jeune intellectuel de la FGTB liègeoise et Renard comme moteur et patron. Plus tard le trotskiste Mandel s’y ajoutera et, dans l’ombre, Joseph Brusson du service d’étude de la CMB de Liège y contribuera. C’est un groupe de socialistes belges pragmatiques. Ils vont formuler les programmes syndicaux de la FGTB de 1954 et 1956. Ils commenceront leurs activités en 1951, hors contrôle de l’appareil de direction de la FGTB. Un débat traverse cette commission : la FGTB doit-elle adopter une position travailliste49 ou socialiste ?
En 1954, le PSB retourne au gouvernement avec les libéraux. Les nationalisations ne sont pas à l’ordre du jour. La FGTB adopte son propre programme en 1954, mais le PSB, étant au pouvoir, refuse d’y adhérer. Ce programme demande la nationalisation des charbonnages. Renard ajoute d’emblée : « nos propositions ne sont pas idéologiques : non seulement elles ont été réalisées en d’autres pays, mais nous sommes ouverts à toute autre contre-proposition qui serait aussi efficace que les nôtres. » Il demande « une SNCI50 [..] établissement public pur et doté du pouvoir de prendre des participations dans les entreprises51 ». Un terme central de l’alternative de la FGTB devient la « planification souple ». « La planification souple par opposition à la planification des régimes totalitaires, n’implique pas l’appropriation publique de l’ensemble des moyens de production52. » Font aussi partie du plan, l’énergie nationalisée et le contrôle des holdings. Pierre Tilly résume : « En somme, il s’agit de coordonner l’intervention de l’état avec l’initiative privée et au besoin de l’orienter dans un cadre d’ensemble. Pour que la planification souple parvienne à être efficace, il faut instaurer un certain contrôle des holdings et la nationalisation de l’énergie […]53. »
En 1956, la FGTB décide d’un deuxième volet de son programme dans lequel elle s’en prend aux holdings qui sabotent l’économie. Une dizaine de groupes financiers gèrent un patrimoine économique dont la valeur peut être estimée à plus de 350 milliards de francs belges. Leur politique au Congo belge freine l’émancipation recherchée. L’état est le principal débiteur des banques et celles-ci exercent sur lui et les hommes politiques une pression efficace. Il faudrait selon Renard que le pouvoir des holdings et des banques revienne à la nation. Mais une nationalisation intégrale lui semble problématique vu la nécessité du remboursement du capital nationalisé et les montants nouveaux nécessaires pour des investissements d’expansion économique54. Avant d’arriver au socialisme, il faut une phase intermèdiaire de cogestion : « Pouvoir égal de la représentation des travailleurs et de la représentation des autres intérêts dans l’entreprise, avec l’état comme arbitre en dernier ressort55. »
Ces conceptions seront mises à l’épreuve quand se crée le Comité de contrôle du secteur de l’électricité. En octobre 1954, la FGTB, juste avant son congrès, est approchée par le secteur électrique pour réaliser un compromis. Le congrès n’en veut pas parce que ce serait tuer l’idée de la nationalisation qui vient de pénétrer dans le public56. Mais après le congrès, des négociations ont bien lieu. Le 15 juillet 1955, un accord est conclu : on garde le caractère privé du secteur avec un droit de regard des syndicats. Une fois de plus, Renard devra déchanter, car l’électricité belge restera la plus chère d’Europe. En 1959, la FGTB se retire de la table ronde « électrique ». Un nouvel accord en 1964, après la mort de ce premier comité, instaure le Comité de contrôle de l’électricité et du gaz.
Un Européen convaincu et internationaliste
André Renard a travaillé activement à la construction de l’Union européenne. Il s’est battu pour que les syndicats fassent partie du bureau permanent du Benelux. Sa conception de l’Europe est formulée par Joseph Brusson du service d’étude de la FGTB liègeoise en 1947 : « bâtir une Europe socialiste à l’échelle humaine comme le prônait Blum avec le socialisme comme troisième force dans une Europe troisième force. Cette solution européenne se présentait comme intermédiaire entre le néo-capitalisme américain et le planisme policier de l’URSS57 ».
Le Premier ministre socialiste français Monnet « souligne l’apport originel des syndicats en faveur de l’Europe58 ». Le 6 juin 1950, le bureau de la FGTB apporte, sur base d’une note de Renard, son appui de principe à l’initiative Schuman. Sur le terrain, la FGTB doit faire face aux communistes parce que pour les communistes, selon Renard, « le plan est un plan capitaliste, un plan de régression sociale et d’organisation de désastres économiques, le plan est un plan de guerre59 ».
Mais Renard ne craint pas les conséquences sociales et économiques des fermetures de charbonnages, car le traité de la CECA prévoit un fond de reconversion60.
Il essaie aussi de renforcer, de structurer le syndicalisme européen. En France, FO61 a ses faveurs, pas la CGT communiste ni la CFTC d’mocrate-chrétienne. Il appelle la FGTB à aider financièrement FO « pour que ce ne soit pas seulement une aide américaine que ces camarades reçoivent, mais plutôt que ce soit une aide européenne, afin que celleci puisse d’ailleurs se faire au grand jour62 ».
Il voit dans l’intégration européenne non pas un but en soi, mais un moyen de promouvoir le progrès social. Il sera désigné par la FGTB comme représentant syndical à la Haute Autorité de la CECA. Un chapitre traite du rôle d’André Renard comme président du Comité consultatif auprès de la Haute Autorité qui dirige la CECA.
Un comité consultatif va mener à la première expérience de syndicalisme européen. Un comité des 15 élargi à 21 est créé en octobre 1952. Il regroupe alors les différents syndicats des six pays fondateurs de la CECA (Benelux, France, Allemagne, Italie). Ce comité prépare les positions syndicales au comité consultatif auprès de la CECA63, mais il est très difficile d’arriver à des positions communes. En mars 1958, le comité des 21 est dissous. En juillet 1958, Renard reçoit un mandat à la CES, la confédération européenne des syndicats. Les syndicats sont déçus par la CECA qui n’amène pas une baisse des prix au profit des industries utilisatrices, car les producteurs usent de leur liberté pour pratiquer des prix relativement élevés. De plus, l’Allemagne crée en 1951 le Georg, le plus gros cartel charbonnier de la communauté. Ceci est contraire aux visions de Renard, qui ne veut surtout pas que la CECA mène au renforcement des cartels industriels. Car cela « aura pour résultat incontestable d’augmenter la puissance capitaliste et de diminuer dans la même mesure la puissance des organisations syndicales […]. Il faut avec la Haute Autorité vouloir la destruction des cartels64 ».
Dans le domaine social, un premier combat concerne l’égalisation, comme le demande l’OIT, des salaires des travailleurs nationaux et immigrés dans les états membres. Mais les différents systèmes de sécurité sociale y font barrage. Néanmoins, les ministres du Travail signent en décembre 1957, la convention européenne de sécurité sociale des travailleurs immigrés intraeuropéens. Il y a en Belgique à l’époque une nette tendance syndicale à s’opposer à la libre circulation des travailleurs, par peur de la pression que pourraient exercer de nouveaux ouvriers étrangers sur les revenus relativement élevés des travailleurs belges65. Renard s’en prend aux divergences criantes de rémunération dans les six pays.
La FGTB encourage aussi la création d’une banque publique d’investissement européenne. Au 45e congrès de la CMB, Renard revendique une charte fondamentale des travailleurs européens et l’établissement de conventions collectives européennes dans le cadre de la CECA. Il lance même devant un parterre de patrons belges l’idée d’une grève générale européenne de 24 heures. « Ce jour-là, les travailleurs européens se rendront compte qu’ils appartiennent à quelque chose qui commence à ressembler à une communauté66. » Il intégre aussi dans sa vision une défense européenne commune, mais sans « que la consommation civile soit la victime no 1 des investissements nécessaires à l’armement67 ».
Pierre Tilly parle également des relations qu’André Renard a développées avec les pays de l’Est et principalement l’URSS. Après la Deuxième Guerre mondiale, et surtout depuis la Guerre froide en 1948, l’interdiction de contacts avec les syndicats des pays de l’Est était générale, particulièrement avec l’URSS. Renard se voit refuser deux fois l’autorisation de visiter l’URSS pour finalement s’y rendre en avril 195668. Il est surtout intéressé par la planification économique, mais pense aussi qu’un rapprochement de la FGTB avec le syndicalisme de l’URSS peut neutraliser l’action des communistes à la FGTB belge69. Les évènements de 1956 en Hongrie donnent un coup de froid aux relations syndicales, mais elles se développeront ensuite au point que Debunne au bureau de la FGTB demande de l’ordre dans cette anarchie. Dans les années soixante, après la mort d’André Renard, les liens entre renardistes et communistes vont s’amplifier en région liégeoise sur la base d’une collaboration dans le mouvement pacifiste avec l’UBDP70 et dans le mouvement populaire wallon.
Finalement, Renard est assez déçu des réalisations du syndicalisme au niveau européen : « nous avons toujours été handicapés dans notre action par le manque de représentativité des organisations syndicales en France et en Italie qui sont avec nous71. »
De la montée des tensions jusqu’à la fin tragique
En tant que président des mutualités socialistes de Liège, Renard va intervenir dans le secteur de l’assurance maladie invalidité (AMI). Un confiit oppose la FGTB et le gouvernement socialiste-libéral en 1954. Les médecins exigent que le système du tiers payant ne soit plus appliqué dans les cliniques et polycliniques. Le socialiste Van Acker parle même d’abus commis par la classe ouvrière au niveau de l’assurance invalidité. La réaction de Renard est virulente : « Pour la question royale, la question scolaire et les arrétés Van den Daele, on a fait appel à notre organisation qui a mobilisé toutes ses forces […]. Si, demain, le parti est dans l’opposition, on fera de nouveau appel à notre organisation. Pour le problème de l’AMI qui se pose actuellement, on laisse de côté les mutualités et les syndicats, qui sont adversaires d’une solution déterminée72. » Un accord médecins-gouvernement est conclu. Renard considére cela comme une défaite et il rappelle la revendication centrale de la FGTB d’un service national de santé. Il dénonce l’assurance maladie comme une source de profit pour l’industrie pharmaceutique : « La production et la distribution des produits pharmaceutiques est un autre exemple de la gabegie qui règne dans le domaine de l’AMI. Des faits sont connus de tous mais, jusqu’a présent, aucun contrôle des prix n’a pu être instauré73. » En 1958 et 1959, la FGTB reprend sous l’impulsion de Renard la revendication de la médecine gratuite, parmi les quatre pierres de touche du programme de la FGTB.
En décembre 1956, le journal La Gauche est lancé sur initiative des trotskistes, dont Ernest Mandel. Le but est la création d’une aile progressiste, large et organisée du PSB. Le journal est imprimé sur les presses de La Wallonie. Mais trois ans plus tard, Renard bloque le numéro 6 de 1959 parce qu’il appelle à une grève générale de soutien aux mineurs borains. Les relations se dégradent et en janvier 1961, La Gauche est priée de quitter les presses du journal syndical liégeois.
En été 1957, éclate un important conflit précédé par un an de remous sociaux sur la question des salaires, suite aux trois augmentations du prix de charbon. Un débat politique se développe également sur la taxation des bénéfices capitalistes. Fin 1956, au moment de la déclaration gouvernementale, le gouvernement Van Acker avait accordé une hausse des allocations familiales et un relèvement des pensions. En même temps, on introduit un blocage des salaires. Ces propositions sont acceptées à deux tiers des voix dans un comité national de la FGTB fin décembre. Devant les métallurgistes liégeois, en janvier 1957, Renard souligne les avancées des dix dernières années, notamment les 45 heures par semaine et la seconde semaine de vacances. Il formule aussi un objectif : pour tous, le double pécule sur les douze jours de vacances. En mars, s’ajoute la revendication d’une augmentation de 60 centimes à l’heure et le paiement des trois jours de carence pour maladie. Des grèves éclatent en juin. Durant deux semaines, on comptera 200 000 grèvistes surtout en région liégeoise mais aussi dans le Centre. Une grève du bâtiment se déclenche en même temps pour d’autres motifs, mais Renard ne lie pas les deux conflits, sans doute parce que la grève du bâtiment est essentiellement portée par la CSC flamande. Les relations entre FGTB et PSB deviennent glaciales. Renard s’estime dans son bon droit parce que le double pécule existe déjà chez les métallurgistes de Malines, Bruxelles et Anvers. Il déclare : « Nous n’en voulons pas au gouvernement, ni au Parti socialiste. Nous en voulons à ceux qui, au gouvernement, tout en se prétendant socialistes, font une politique de droite et ceux qui, au Parti socialiste, sont les porte-parole des patrons74. »
Pour Major, président de la FGTB, « Renard veut la fin du parti75 ». La grève se termine sur une augmentation salariale entre 2 et 3 % en échange d’une paix sociale jusque fin 1958. Renard défend l’accord et est hué dans les instances syndicales FGTB de Liège, car le double pécule n’est pas atteint. Il s’agit de la première grande grève perdue depuis la libération.
En juin 1958, le PSB est renvoyé dans l’opposition. En septembre, s’inspirant à nouveau du socialisme éthique d’Henri De Man, Renard sort une brochure : Vers le socialisme par l’action. Pour lui, le PSB a perdu les élections parce qu’il ne possède pas de véritable programme socio-économique. C’est le syndicat, creuset de la société future, qui doit lui apporter ce programme. « Loin de s’opposer, action directe ouvrière et action politique s’épaulent donc et se renforcent l’une l’autre […] Contrôle ouvrier dans l’économie capitaliste, cogestion dans l’économie socialiste, telle est la formule qui correspond le mieux aux intérêts du mouvement ouvrier76. » La FGTB nationale demande au PSB, lors de son congrès d’octobre, de prendre en compte comme projets de loi ceux concernant le secteur de l’énergie, la planification de l’économie, le plein emploi et la médecine gratuite. Restaurant d’abord l’action commune à Liège, le congrès du PSB de décembre 1958 s’engage à re-prendre les réformes de structure comme programme officiel du parti lors d’un congrès extraordinaire qui devrait se dérouler dans un délai de six mois.
De 1957 à 1959, 20 % des mineurs en Belgique vont perdre leur emploi. Très vite, Renard va proposer la nationalisation des charbonnages. Cette idée n”est pas l’apanage du seul mouvement syndical socialiste. Renard soutient le député social-chrétien, Bertrand, du Limbourg, qui déclare au conseil central du MOC que si le seul moyen de mettre au pas les holdings est la nationalisation il faut le faire. On s’oriente vers une société publique des charbonnages belges, comparable à la solution trouvée dans le secteur électrique, avec une société par bassin comprenant pouvoirs publics, intérêts privés et travailleurs. Mais les organisations syndicales œuvrent surtout à faire intervenir la CECA en vue de la reconversion des mineurs victimes des fermetures.
En juin 1959 se tient le congrès des socialistes wallons qui se pro-nonce pour un fédéralisme à trois. Le fédéralisme apparaît déjà à ce moment comme un moyen politique propre à réaliser le programme de réformes de structure et Renard déclare à la direction du PSB : « Mais que le socialisme fasse désormais la preuve qu’il consacrera toutes ses forces à lutter contre le capitalisme, à le vider de sa substance, alors la notion d’indépendance syndicale n’aura plus de sens et elle sautera77. » Au congrès extraordinaire du PSB de septembre 1959, Renard est à l’avant de la scène et le parti adopte le programme syndical des réformes de structure.
En juillet, les lois Eyskens introduisent des aides conjoncturelles et régionales. En octobre est créé le bureau de programmation économique, transformé, un an plus tard, en comité d’expansion économique. « Le slogan de l’augmentation de la productivité est supplanté par l’idée de l’expansion économique78. » Au printemps 1960, la construction de l’usine sidérurgique Sidmar est annoncée. Renard déclare que c’est une guillotine pour la Wallonie. Mais il n’arrive pas à mobiliser massivement les travailleurs contre ce projet. En janvier 1960, la FGTB lance une grève nationale pour obtenir une conférence économique et sociale. Une nouvelle grève des mineurs du Borinage éclate en mars et la CGSP manifeste ce même mois de mars pour le droit de grève et le salaire minimum. Finalement, un accord de programmation sociale est conclu au niveau national le 11 mai 1960. Il contient la formulation du principe de la programmation sociale, l’octroi d’avantages à tous les salariés (en fait, c’est le début des accords interprofessionnels), des avancées sur le pécule de vacances et les allocations familiales. Il est conclu pour une durée de trois ans et associé à une paix sociale.
La loi unique et la grève du siècle : une rupture inimaginable
Le 4 novembre 1960, le gouvernement Eyskens 3 dépose une loicadre au bureau de la Chambre sur les infractions en matière d’octroi d’allocations de chômage et le renforcement du contrôle médical. Elle prévoit de reculer l’âge de la pension dans les services publics et d’augmenter les retenues sur les pensions de survie. C’est la fameuse Loi unique. Le 20 octobre, PSB et FGTB avaient lancé ensemble « l’opération-vérité ». Le 2 novembre, Renard convoque une réunion des militants wallons de la FGTB. Le 9 novembre, la FGTB déclare s’opposer à la loi. Le 17 novembre se réunissent 64 permanents des sections wallonnes dans le cadre d’une journée d’étude, précurseur non officiel de la FGTB wallonne. Une manifestation est programmée à Liège, le 15 décembre. Déjà le 21 novembre, il y a un arrêt de travail de deux heures dans tout le bassin industriel liégeois. Renard annonce lors d’un meeting : « Nous irons aussi loin qu’en 195079. » Il est le seul à lancer le mot d’ordre d’une demi-journée de grève le 14 décembre et la plupart des régionales wallonnes de la FGTB y adhérent. Suit une lettre ouverte pour rallier la CSC et son président Cool. La CSC de Charleroi dit oui malgré les réticences de sa structure nationale. Le 14 décembre, on recense finalement 138 708 grèvistes.
Renard prévoit la suite pour janvier. Le comité national élargi du 16 décembre de la FGTB rejette sa demande de décider du principe d’une grève générale à préparer pratiquement par une grêve de 24 heures entre le 1er et le 15 janvier. « Les huit mille voix de la Centrale générale de Liège ont échappé à Renard et l’abstention de la régionale de Bruxelles, plus radicale encore dans l’action que le Liègeois, sanctionne sa défaite. Le vote des centrales, et notamment celles de la CGSP, se clôture, lui, sur une majorité pour la motion Renard, même si les métallurgistes gantois et anversois ne l’ont pas soutenue. Conséquence et suite logique du vote, la grève générale ne sera jamais décrétée par la FGTB nationale, malgré la longueur du conflit qui débute le 20 décembre80. » Ce sont les travailleurs communaux et provinciaux de la CGSP qui commencent une grève au finish largement suivie en Wallonie, mais aussi par la centrale chrétienne des services publics à Anvers. Le même jour, les ACEC et le port d’Anvers se mettent en grève. À Liège, les choses démarrent aussi, mais Renard s’y oppose, tente de faire reprendre le travail et sanctionnera des délégués après le confiit. La direction nationale de la CSC sous l’instigation déAuguste Cool déclare : « Ce n’est pas une grève professionnelle mais un mouvement révolutionnaire provoqué par un parti politique qui veut désorganiser le fonctionnement normal de nos institutions. » Renard dira après la grève à un observateur étranger : « la CSC flamande […] est le bastion le plus conservateur du syndicalisme chrétien belge. Mais la FGTB fiamande est majoritaire au sein de la FGTB belge. Elle impose de ce fait sa ligne générale à la FGTB wallonne qui est partout très largement majoritaire en Wallonie81. »
Le 24 décembre, La Wallonie lance un appel de fraternisation de l’armée avec les grèvistes et est saisie. Le 27 décembre, le Conseil national de la CSC désapprouve la grève, mais le lendemain, celle-ci atteint un sommet avec 320 000 grévistes dans tout le pays. La FGTB wallonne proclame le 3 janvier, jour de la reprise du débat parlementaire sur le projet de loi, « une journée de deuil pour la Wallonie82 ». Le 29 décembre, l’action commune PSB-FGTB se présente devant la presse, Renard compris. Il rencontre ce jour-là, en secret, le président de la CSC. Il s’oppose au mot d’ordre « marche sur Bruxelles » lancé par La Gauche.
Le 3 janvier, à Yvoz-Ramet, Renard propose l’abandon de l’outil, le fédéralisme et le retrait de la Loi unique. « Le corps électoral socialiste représente 60 % des électeurs en Wallonie. Si demain le fédéralisme était instauré, nous pourrions avoir un gouvernement du peuple et pour le peuple83. » Mais le 5 janvier déjà, l’action commune déclare qu’une solution pourrait être trouvée grâce à une initiative royale et Renard est des signataires. Il écrit le mémorandum d’un groupe dit « des 16 » réunissant des dirigeants du PSB et de la FGTB qui aurait, selon Le Monde, joué un rôle modérateur capital lors du conflit. En même temps, il lance l’hebdomadaire Combat. Pour Renard, c’est un moyen de pression sur le PSB en vue de maintenir le leadership de la gauche syndicale sur l’aile wallonne du parti84. Après des incidents à la gare des Guillemins à Liège, un manifestant est tué. Renard, qui avait harangué la foule de 30 000 personnes dont environ 1 000 étaient descendues par la suite au quartier de la gare, déclare comprendre cette réaction parce que les travailleurs se sentent de plus en plus exclus de la société. La presse de droite appelle Renard le « Castro de la Wallonie, le Lumumba liégeois ».
Il cherche à ouvrir un second front mais le PSB refuse une démission collective de ses élus. La Loi unique est votée à la Chambre le 13 janvier et le 21 la grève est suspendue. Par la suite, Renard expliquera à des militants italiens : « Des travailleurs ont fait la preuve que le terrain de la lutte de classes est toujours le vrai et le seul terrain de combat et que seule l’action générale et directe des travailleurs peut peser sur un capitalisme dont la puissance matérielle est intacte85. »
Seuls les dirigeants syndicaux liégeois relient la lutte contre la Loi unique aux réformes de structure, qui sont pour Renard sur le plan stratégique une démarcation entre l’aile wallonne de la FGTB et la tendance majoritaire à la FGTB ainsi qu’au PSB. Le déchirement à l’intérieur de la FGTB entre Smets de la Centrale générale et Renard va s’approfondir après le conflit. Smets exige que le bureau de la FGTB se prononce sur le fédéralisme : « Je ne comprends pas que ceux qui ont été les romantiques de l’Europe, qui ont exprimé le vœu de voir s’édifier l’Europe, ceux qui ont proposé un seul syndicat pour les travailleurs de l’industrie métallurgique et charbonnière, réclament à présent la division du pays86. » Mais le bureau, pour éviter une crise ouverte, refuse de passer au vote.
Le 29 janvier 1961, à Saint-Servais, 350 militants syndicaux veulent maintenir la coordination wallonne de la FGTB pour continuer la lutte et pour obtenir un système confédéral à l’intérieur de la FGTB. Le 23 février, Renard démissionne de tous ses mandats nationaux. Il écrit dans Combat « que les structures unitaires, tant étatiques que syndicales, sont l’obstacle et au socialisme et à l’expansion économique, les deux étant plus que jamais condition l’un de l’autre ». La Wallonie devient donc son combat prioritaire, « une Wallonie dont il cite les atouts : exportation, productivité élevée, niveau d’épargne mais réinvestie ailleurs par la concentration financière bruxelloise87 ». Pour avancer vers cet objectif, il crée le Mouvement populaire wallon (MPW), au printemps 1961. Les deux piliers de base en sont les métallos liégeois et le SETCa de Charleroi. Il s’ouvre à « toutes les organisations qui mettent l’intérêt de la Wallonie et des Wallons au-dessus de tous les autres88 ». Les communistes se joignent à l’initiative. Renard pense qu’un fédéralisme qui accorde l’autonomie tant à la Flandre qu’à la Wallonie « éliminerait le frein bourgeois dans le sud du royaume et bouleverserait les données du jeu politique en Flandre. » Le poids de la bourgeoisie néerlandophone serait inférieur au poids considérable « des syndicats chrétiens flamands, eux-mêmes talonnés par la minorité socialiste flamande.89 » Le PCB essaie de donner une dimension internationale au MPW en lui suggérant de se prononcer pour le désarmement général et contre tout essai nucléaire. Renard rend même visite durant un mois au nouveau régime cubain. La fédération liégeoise du PSB, pour coller à sa base syndicale, décide de s’affilier en masse au MPW90. Par contre, pour éviter la contagion, le président du MOC, André Oleffe, déclare incompatible la double appartenance MOC-MPW. Le président du PSB Collard devient menaçant et affirme qu’en tant que mouvement le MPW devrait vite atteindre ses objectifs sinon il se structurera en parti et créera « une division contre laquelle le PSB devrait réagir comme il l’a fait chaque fois. Et toujours avec succès.91 »
Le congrès constitutif du MPW en novembre 1961 s’insurge contre le projet de créer un vaste complexe sidérurgique à Zelzate, non qu’il s’oppose à l’industrialisation de la Flandre, mais parce que cette création constitue une menace pour les entreprises wallonnes. Ce congrès reprend comme base le fédéralisme et les réformes de structure. Au début de 1962, le MPW connaît sa première crise. Renard développe des points de vue nationalistes même si, en paroles, il s’en défend. Il pourra dire à la fois « Toute notre sympathie va aux travailleurs flamands », mais « Nous, les Wallons, nous ne représentons donc plus rien92 ? » La crise interne de la FGTB suite à l’existence du MPW s’aggrave, mais après le demi-échec de la manifestation du 15 avril 1962 à Liège, suivi du décès d’André Renard, le mouvement va amorcer son déclin.
Conclusions de Pierre Tilly
André Renard n’est jamais devenu député. Il s’est cantonné, toujours délibérément, sur le plan syndical. Émile Vandervelde, autant que Sorel et la charte d’Amiens de 1906 de la CGT française, l’ont inspiré. Partisan de l’indépendance syndicale, il l’a utilisée clairement contre les communistes. Enfant terrible du PSB, il donna longtemps mauvaise conscience au parti. On ne peut l’accuser pourtant d’apolitisme, car il cherche au contraire à peser sur le système institutionnel belge. Mais globalement son action pour les réformes de structure a été un échec. L’intervention de l’état dans l’économie s’est accrue et les premiers accords interprofessionnels ont été arrachés, mais on est resté loin de la planification exigée par la FGTB.
Était-il un anarcho-syndicaliste ou un social-démocrate très dur ? La création du MSU, lors de la Deuxième Guerre mondiale, relève plutôt du premier qualificatif tandis que la création du MPW relève plus nettement de l’action politique. Dans Syndicats, l”organe de la FGTB, Renard est attaqué en avril 1962 de la façon suivante : « Votre conception n’est autre, au fond, que la doctrine de la première CGT française, dirigée par les anarchistes, affirmant que le syndicat se suffit à lui-même. Par voie de conséquence, vous voulez substituer celui-ci au parti, à notre parti93. »
Pour Jacques Yerna de la FGTB liégeoise, par contre, « André Renard était finalement un social-démocrate très dur. La classe ouvrière, à son avis, devait progresser par bonds successifs, imposer des réformes par une action directe en profitant des moments exceptionnels de l’histoire afin d’enfoncer des coins dans le système capitaliste. Mais cette optique restait finalement inscrite dans le cadre de la démocratie parlementaire94. » Il cherchait par la pression de la masse l’issue la plus favorable possible avec plus de radicalisme en paroles qu’en actes. Il y a aussi le poids du planisme hérité de Henri De Man. À la commission de la FGTB, en préparation des congrès idéologiques de 1954 et 1956, l’influence de Keynes et du réformisme gestionnaire est prépondérante.
Il est partisan de l’action directe mais ce n’est qu’une méthode parmi d’autres. Attiré par le modèle des relations sociales américaines où les syndicats jouent un rôle politique, sa conception planiste est aussi une manière pratique de s’opposer aux administrations traditionnelles de l’état et il considère les nationalisations de la façon suivante : « C’est un mot peu importe, mais l’important, c’est qu’il recouvre un but de contrôle, de pouvoir et vous allez le proposer comme la formule la plus adéquate du moment et dans les institutions que nous avons pour arriver au résultat95. »
Un bilan en demi-teinte. Renard a été confronté à des événements exceptionnels, les années trente, la Deuxième Guerre mondiale. Lors de la résistance, il parvient à dominer le mouvement syndical liégeois notamment en intégrant, puis en mettant au pas les cellules communistes particulièrement dynamiques. Dès la fin des annèes quarante, il incarne la prise de conscience de la déficience de l’économie belge. Il soude l’action commune du PSB et de la FGTB dans la question royale et formule la charte du travail, base de leur accord. Il négocie un compromis dans le secteur de l’électricité, preuve de son pragmatisme. Ses menaces de nationalisation sont plus rhétoriques que réelles et le contrôle qu’il a voulu sur le fonctionnement des entreprises et les investissements macro-économiques n’a pas dépassé le stade embryonnaire.
Était-il l’homme fort de la Wallonie ? Il a sympathisé avec l’idée fédéraliste en 1950, lancé publiquement ce combat suite aux évolutions internes de la FGTB, mais il est faux de croire qu’il ne l’a utilisé que pour sortir du conflit de 1960-61. Quand on l’accusera de vouloir créer une république socialiste wallonne, il fera remarquer qu’ « il est illusoire de croire que la petite Wallonie fasse cavalier seul dans ce domaine96 ».
Même s’il s’oppose au syndicalisme de la FGTB flamande, composé de modération doctrinale, de goùt du compromis et d’attachement à la Belgique unitaire, il reste que les grands ténors de la FGTB d’après guerre, Major, Smets et Renard ont chacun leur territoire, leurs mandats et leur influence sur la base syndicale. Par périodes, il s’est rapproché de la CSC ou a tenté de l’isoler. Le ton principal reste la dominance des structures socialistes en région liégeoise. Recherchant le pouvoir, il était néanmoins connu pour son absentéisme fréquent dans certaines instances, mais ne manquait jamais une réunion comme régent à la Banque nationale ou au Comité de contrôle du secteur de l’électricité.
Il avait aussi un train de vie particulier, voitures de sport et parties de chasse, mais il vivait dans une simple maison ouvrière à Seraing.
Qu’il ne faisait pas de politique augmentait la confiance que les masses ouvrières pouvaient avoir en lui. Il avait une méthode de direction autoritaire et était un tribun hors pair. Renard avait une vision internationaliste et se consacra beaucoup à la construction européenne. « Sur les questions de défense et de sécurité, Renard s’aligne sur le canevas traditionnel du PSB autour de l’incontournable alliance atlantique, avec un rôle prépondérant des États-Unis pour la protection de l’Europe97. » Mais il mène aussi une diplomatie syndicale envers les pays de l’Est, l’URSS et Cuba, ce qui lui a valu un refus de visa pour les États-Unis. Il a eu incontestablement l’estime du patronat ; il tissait un réseau de contacts par-dessus les barrières de classe. Il utilisait son influence sur le secteur sidérurgique, secteur stratégique, dans ses combats politiques et syndicaux. Dans les vrais moments de crise, il est resté en phase avec le PSB.
La construction européenne, les réformes de structure et le fédéralisme : des pistes pour l’avenir ?
Réformes de structure et fédéralisme, ce sont des mots intimement liés à André Renard. L’analyse de Tilly nous fait découvrir, en plus, le constructeur de l’Europe.
Dans notre histoire sociale belge, jamais dirigeant syndical ne mettra autant en mouvement des masses ouvrières. Et c’est là qu’il faudra découvrir sans doute une leçon stratégique. Pour s’opposer au système, pour s’opposer aux attaques patronales, pour arracher des réformes, le seul moyen efficace est l’arme de la lutte de classe. Il faut être capable à la fois de sentir les besoins quotidiens des travailleurs, de chercher le moment propice et de lier des revendications qui s’en prennent au système aux nécessités immédiates ressenties profondément par eux. Que ce soit lors de la crise économique des années trente, de la résistance armée en 1940-44, de l’affaire royale en 1950 ou de la grève de l’hiver 1960-1961, le mouvement ouvrier belge et ses dirigeants avaient là rendez-vous avec l’Histoire. Les conséquences de la grande crise économique de 2009 mèneront dans le futur à de nouveaux rendez-vous qui doivent être soigneusement préparés.
Mais la puissance des vagues de mécontentement justifié ne suffit pas. Un mouvement peut être puissant dans son élan mais pauvre dans ses objectifs. De là découle la nécessité de formuler des mots d’ordre qui répondent aux justes revendications des travailleurs contre leur exploitation quotidienne et augmentent la conscience de la nécessité de renverser le système qui est la source de cette exploitation. Ils déclenchent des luttes qui obtiennent certaines concessions ou réformes, augmentent la conscience anticapitaliste des travailleurs et affaiblissent réellement leurs adversaires, rendant plus proche leur élimination politique du pouvoir de la société. C’est le programme qui détermine le résultat. Il ne suffit pas de radicaliser les luttes.
Il n’est d’ailleurs pas possible de copier la tactique suivie par André Renard même en la purifiant de ses échecs ou erreurs. Il faut formuler un programme de revendications sur divers domaines propres à la situation actuelle. Elle est différente de la sienne et le niveau de conscience des travailleurs l’est également.
L’Europe
Renard a été un pionnier de la construction européenne dès la sortie de la guerre. Il voulait garantir une place aux acquis des travailleurs à commencer par les mineurs et les sidérurgistes lors de la création de la CECA. Beaucoup plus qu’aujourd’hui les organisations syndicales des différents pays ont été rassemblées par Renard et d’autres en vue de garantir certains de leurs intérêts. Mais son but principal n’était pas là, il visait la construction d’un bloc indépendant entre le communisme et l’impérialisme américain. De meilleurs acquis pour les travailleurs les détourneraient du communisme. La création de la sécurité sociale relève de la même philosophie.
Renard a été partisan d’une force militaire européenne, il n’a jamais mis en cause l’atlantisme du PSB, dont Spaak, le premier secrétaire de l’Otan a été l’expression la plus limpide. Le drame de Renard est qu’il s’occupe des bons sujets, nous pouvons apprendre de lui, mais il manque d’alternative politique, ce qui l’amènera, sans doute malgré lui, à renforcer en quelque sorte son adversaire déclaré : le capitalisme.
Quand on nous parle aujourd’hui de l’Europe sociale, ce n’est pas seulement une chimère, un mirage mais plutôt un moyen de gagner les travailleurs à l’existence de l’Europe actuelle, impérialiste. Cette superstructure doit être renversée si nous voulons vivre un jour dans une Europe socialiste où les richesses produites par les travailleurs seront équitablement réparties parmi eux.
Les réformes de structure
« Le syndicalisme veut unir les forces des producteurs. Cela n’est possible qu’en dehors des cadres politiques. Par conséquent, il faut élaborer une doctrine, librement, souverainement, sans tenir compte ni des partis ni des doctrines existantes98 », écrivait-il. Renard a ramassé des bribes de différentes théories existantes, mélange d’anarchosyndicalisme et d’idées sociales-démocrates. Il a aussi su utiliser un vocabulaire marxiste, mais toujours dans des conditions et des formes acceptables pour la bourgeoisie. Les vraies sources théoriques d’André Renard sont là : Émile Vandervelde, défenseur de l’état capitaliste. Les travailleurs doivent le conquérir petit à petit pour en faire le représentant du bien commun. Émile Vandervelde est, de plus, l’inventeur de la formule du contréle ouvrier. Citons aussi Au delà du marxisme d’Henri De Man, qui défend le contrôle des holdings et la planification souple. Enfin, Réflexions sur la violence et L’Avenir socialiste des syndicats de Georges Sorel qui défend l’action directe, l’indépendance syndicale et la grève générale comme moyen d’action suprême du seul syndicat.
C’est lors de l’occupation nazie et de la lutte armée qui est menée contre elle que se forge le profil de Renard, dont il ne s’écartera que vers la fin de sa vie pour épouser le fédéralisme. Deux éléments contradictoires le caractérisent lors de son retour en Belgique. Il reçoit l’appui du grand patron financier et sidérurgiste Delaunoit, qui veut assurer ses arrières pour l’après-guerre, et il forme une alliance stratégique avec les syndicats communistes contre l’ancien appareil de la FGTB, trop inféodé au PSB d’avant-guerre qui a déraillé vers le fascisme. Dans le document de base de Renard La révolution constructive de 1943, le seul qu’il ait écrit entièrement de sa plume semble-t-il, il se démarque de la révolution armée préconisée par le communisme. Il veut un capitalisme réformé et un patronat qui traite la classe ouvrière sur un pied d’égalité. Le syndicat est pour lui une force politique en soi, qui fait alliance avec le Parti socialiste pour faire entrer dans la loi les acquis de la lutte obtenus par l’action directe dont l’arme ultime est la grève générale. C’est l’anarcho-syndicalisme. Renard : « Nous faisons une distinction entre l’homme à l’usine et l’homme en dehors de l’usine. Ce dernier, c’est le citoyen qui, au moyen de son bulletin de vote, participe à la vie politique, c’est le membre de parti. L’autre, c’est le producteur, son apport d’activité lui permet d’intervenir dans la vie économique et son mode d’expression est l’action syndicale99. »Pour lui, la démocratie politique est réalisée, mais la démocratie économique reste à réaliser.
Renard milite avec les communistes, mais empêche qu’ils occupent un quelconque poste clé et il leur impose son programme syndical. Son mot d’ordre d’indépendance syndicale sera avant tout utilisé contre eux et jamais à des moments décisifs contre le PSB, le parti contre lequel il était censé servir.
Après la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs veulent des mesures draconiennes contre le grand capital, qui s’est le plus sou-vent compromis avec le nazisme. Dans cet esprit, les nationalisations exigées sont l’expropriation sans indemnisation des anciens grands collaborateurs. Dans les pays de l’Est, les nationalisations des collaborateurs vont préparer la prise de pouvoir de la classe ouvrière à la fin des années quarante, même si le processus s’accomplit avec l’aide de l’URSS. En France et en Angleterre, une certaine forme de mise sous statut public sera réalisée, mettant des secteurs clés (charbon, énergie) au service du grand capital qui reste, lui, solidement en place. En Belgique, la question des nationalisations n’a même pas été posée à la sortie de la guerre, mais en plein milieu des années cinquante quand, face à l’éparpillement du secteur électrique et au coût élevé du prix du kilowatt-heure pour l’ensemble de l’industrie et des consommateurs, des mesures s’imposent pour renforcer la position concurrentielle de l’industrie belge. Dans le secteur minier, un peu plus tard, des décisions semblables seront prises, mais le Directoire charbonnier est un organe de soins palliatifs pour un secteur en état de disparition.
Dès le départ, Renard abandonne les vraies nationalisations sans indemnisation et se contente d’un comité de contrôle pour le secteur énergétique. L’intervention des pouvoirs publics dans ce secteur n’a mené qu’à une chose : la concentration capitaliste. La Belgique a évolué vers un secteur hyperconcentré et hyperprofitable, que Suez n’aura plus qu’à cueillir. En 1973, Jacques Yerna posera la bonne question : « L’évolution que l’on peut observer n’est-elle pas de nature à donner l’impression que les réformes de structure étant “récupérées” […] par le système capitaliste conduisent finalement à un renforcement de ce dernier et, par conséquent, à un affaiblissement des forces socialistes100 ? »
Comment qualifier autrement ce qui s’est produit dans la sidérurgie ? Quand la crise structurelle de 1973 éclate, le vice-président du PSB de l’époque André Cools, le syndicaliste liégeois métallo Robert Gillon et le patron de la Société générale Julien Charlier réalisent la mise sous statut public de la sidérurgie, vue par Robert Gillon comme une étape vers le socialisme en Wallonie. Une série de luttes très imposantes dont il est l’instigateur principal et dont le Premier ministre Wilfried Martens dira qu’elles ont fait trembler le gouvernement en 1983 conduisent àcla constitution d’une entreprise publique comprenant toute la sidérurgie implantée dans les deux bassins industriels wallons, Liège et Charleroi. Deux des quatre lignes à chaud sont fermées et, à coups de milliards allongés par le contribuable à travers la Région wallonne, la sidérurgie modernisée est rendue au privé (Usinor puis Mittal) à la fin des années 90 et au début de ce siècle.
Renard remplace le concept de contrôle ouvrier, qui peut donner l’impression de ne pas diriger, mais uniquement de surveiller, par la cogestion, la direction à position « égale » des syndicats et du patronat. Il cherche à faire entrer les organisations syndicales dans des organes paritaires de gestion pour dynamiser le secteur industriel concerné. C’est ce qu’il appellera « la démocratie économique ». Depuis l’instauration du droit de grève en 1921, les organisations syndicales étaient plutôt tolérées et quelques commissions paritaires avaient été instaurées. Les organisations syndicales n’étaient partenaires ni des gouvernements ni du patronat. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’accroissement du poids des syndicats renforcera leur présence dans des organes paritaires. Cela donnera l’illusion que le système capitaliste peut être géré par des partenaires sur un pied d’égalité. Les gros moyens de production restant dans les mains des groupes financiers et industriels privés, une véritable démocratie où la majorité décide est impossible. Les holdings ont accepté un certain contrôle, suite au rapport de force du moment, et à la condition que ce contrôle renforce leur capacité concurrentielle.
La planification souple à laquelle doivent se soumettre les holdings dans l’après-guerre vient directement de De Man. Il ne faut pas sousestimer son rôle parce qu’il a été longtemps le formateur des cadres socialistes et syndicaux. Il a dirigé le POB101 . De fait, entre 1933 et 1940, il a été le père de la plus grosse campagne qui ait jamais été menée en Belgique par le POB, celle du « plan ». Ce plan De Man préconisait une alliance de tous les producteurs (les travailleurs, mais aussi le capital industriel)102 contre l’oligarchie financière qui étrangle l’économie. Il ne faut pas déposséder les holdings, mais les soumettre à un plan d’ensemble formulé par l’état national. Par la nationalisation du crédit, l’aide de l’état devrait être concentrée sur les secteurs clés. Un tel état devait être coiffé par une «démocratie autoritaire», où tous les pouvoirs iraient à l’exécutif (le gouvernement), tandis que «la séparation des pouvoirs si chère à la démocratie bourgeoisie était abolie103 ». De Man (inspirateur de Mussolini avec lequel il aura des relations épistolaires suivies104), devenu président du POB, accueillera à bras ouverts les nazis pour réaliser son rêve de société. Après la guerre, au congrès de la libération du PSB, De Brouckère, un des dirigeants le plus à gauche du parti, dira : « Il y a longtemps que la pensée de De Man a pénétré le parti. L’action de De Man a abouti à une trahison. Vous pensez qu’entre cette pensée et cette trahison, il n’y a pas de rapport ? J’ai toujours cru le contraire105. »
Renard reprend donc l’idée de la planification souple et ce combat mènera aux fameuses lois d’expansion économique qui transfèrent des fonds publics énormes vers le capitalisme dynamique. L’accord de 1954 incitait les organisations syndicales et le patronat à augmenter la productivité ainsi qu’à cèder une partie des gains aux travailleurs à travers les conventions collectives. Cela procède de la même logique. « La Déclaration de productivité allait encore plus loin en scellant pour la première fois par écrit la grande théorie de “l’intérêt commun” du capital et des ouvriers106. »
On reste rêveur devant ce concept de partage des fruits de la productivité, en ce début du 21e siècle. Depuis le début de la crise structurelle en 1973, les gouvernements et multinationales belges ont réussi à faire accepter leur théorie de « problèmes de position concurrentielle », au point de faire accepter des sauts d’index et des baisses salariales à peine déguisées. La classe ouvrière du temps de Renard s’est battue pour des acquis salariaux considérables (salaire horaire, pécule de vacances, réduction du temps de travail hebdomadaire, etc.) Les concessions faites par le patronat ont été incontestablement influencées par l’existence, à cette époque, d’un fort système socialiste au cœur de l’Europe. Elles l’ont été aussi par les nécessités de la reconstruction de l’économie capitaliste après la guerre.
La force de Renard, à ses meilleurs moments, a certainement été sa volonté d’arracher au patronat des acquis au niveau national, au niveau interprofessionnel, avec l’aide contrainte de gouvernements sur la défensive, grâce aux rapports de force favorables créés par la résistance contre le fascisme. Mais, il a su également dynamiser la volonté de lutte des travailleurs et arracher ainsi des acquis sociaux, un à un, grâce à une série impressionnante de combats dans les années quarante et cinquante. Bien sûr, Renard nn’tait pas seul. Ces luttes victorieuses sont le fruit d’alliances dans lesquelles, plus d’une fois, tant les organisations syndicales chrétiennes que les communistes ont été impliqués comme forces très actives107. Ce sont bien entendu en dernier ressort les travailleurs, organisés syndicalement et politiquement suite à la lutte antifasciste, qui ont arraché ces acquis.
Renard, en tant que président des mutualités socialistes de Liège, a mené plusieurs combats pour la préservation de la santé des travailleurs et son objectif était le service national de santé, tel qu’il existait en Angleterre. Dans cette optique, les médecins devaient devenir des salariés d’un seul institut national qui pratiquerait la gratuité des soins. En Belgique, le PTB s’est inspiré notamment de ce modèle (et des principes de la révolution chinoise basée sur le concept de « servir le peuple ») pour créer des maisons médicales où les médecins sont devenus des salariés et où la gratuité des soins est pratiquée.
Le mouvement politique le plus important auquel Renard a participé est l’affaire royale. Mais la revendication de la république démocratique, seule revendication juste face à la royauté, vestige féodal, n’en a jamais fait partie. Le mouvement social, certainement après la fusillade dramatique de Grâce-Berleur, prend des formes insurrectionnelles, mais il accepte le compromis d’abdication du roi haî et l’intronisation de son fils. Le dirigeant communiste emblématique Julien Lahaut payera, lui, de sa personne pour avoir exigé la république au parlement lors de la prestation de serment du roi Baudouin. Le PSB sera récompensé de ses positions raisonnables en devenant par la suite, comme au moment de la Libération, le pivot des gouvernements des années cinquante108.
Quand nous critiquons le pragmatisme et la vision cogestionnaire de Renard dans le secteur de l’électricité au milieu des années cinquante, on pourrait nous rétorquer que les revendications avanc�es par le courant de Renard dans cette période sont analogues et même largement supérieures à celles que le mouvement ouvrier pose aujourd’hui. La FGTB, en 1954, exige la nationalisation du secteur de l’électricité. Nous en sommes loin actuellement. Tout en ayant introduit cette revendication dans son programme, même le Parti du Travail de Belgique n’en fait pas son cheval de bataille. Lors de la crise financière quand Fortis était au bord de la faillite, la revendication la plus à gauche était celle de la nationalisation de la banque. Pas question de demander la nationalisation du systême bancaire dans son entiéreté.
L’époque a changé. La lutte dans le secteur de l’énergie qui va conduire au comité de contrôle paritaire se déroule au milieu des années cinquante, après la grève insurrectionnelle de l’affaire royale de 1949-50 et avant la grande grève de l’hiver 1960-61. Depuis, il n’y a plus eu de grève générale en Belgique, même si nous n’en étions pas loin en 1994 avec le plan global et en 2007 avec le pacte des générations.
La période de Renard était issue de la grande crise de 1929, de la lutte contre le fascisme et de la résistance armée contre le nazisme. La classe ouvrière avait une riche expérience des luttes sociales et démocratiques. Renard pouvait l’utiliser. Mais tout en avançant des mots d’ordre très à gauche, il a aussi toujours fait en sorte que ses combats ne sortent pas de l’ordre capitaliste établi. Tous ses combats ont été récupérés par la bourgeoisie. C’est ce que constatait Jacques Yerna.
Un parti de gauche aujourd’hui doit se poser la question de savoir à comment faire progresser le combat et surtout la conscience anticapitaliste des travailleurs tout en restant en phase avec leur niveau de conscience actuel ? Il ne sert à rien de répéter inlassablement des slogans ultrarévolutionnaires que personne n’écoute. Cette démarche semble révolutionnaire, mais détourne, en fait, les travailleurs vers des partis de droite qui proposent des solutions fausses mais simples. Il faut faire la distinction entre le niveau d’un parti, et le niveau de la population. Le Parti du Travail de Belgique est évidemment en faveur de la nationalisation du secteur financier. Mais à condition que cela ne serve pas à sauver le système capitaliste dans son ensemble. Des nationalisations doivent renforcer la position des travailleurs, leur donner plus de pouvoir, mais sans indemniser ceux qui ont causé la catastrophe de la crise. La revendication doit aussi être perçue comme réaliste et raisonnable par les travailleurs. En exigeant la nationalisation de Fortis, avec des exigences strictes de fonctionnement démocratique et de contrôle des travailleurs, on peut conscientiser les travailleurs sur les avantages de la gestion publique et sur le gâchis du privé. Cette prise de conscience peut être le point de départ de luttes plus ambitieuses.
Tout en ayant des divergences sur certains objectifs formulés par Renard, dont le fédéralisme, nous pensons que le mouvement ouvrier actuel a beaucoup à apprendre de lui. Il a obtenu des résultats remarquables pour la sécurité sociale, pour le respect du syndicalisme par le patronat, pour des revendications économiques, etc. C’est sous son influence que la FGTB, créée après la Libération, se dote d’une déclaration de principes exigeant la socialisation des principaux moyens de production (point 12 de la déclaration de principe de la FGTB de 1945) et l’abolition du salariat (point 1 de la même déclaration).
Voici une assez longue citation d’André Renard comportant de précieux conseils pour le mouvement syndical actuel : « Dans sa lutte pour des réformes de structure, le mouvement ouvrier ne doit pas se laisser obnubiler par des conditions parlementaires habituellement défavorables, ou par les rapports de force quotidiens peu propices aux entreprises révolutionnaires.
C’est dans des moments exceptionnels et non dans des circonstances quotidiennes que l’histoire fait un bond en avant. Mais il n’y a pas d’incompatibilité entre l’action courante et tranquille et les transformations révolutionnaires et rapides. Le mouvement ouvrier doit réaliser que l’action quotidienne n’a de sens pour le socialisme que dans la mesure où elle prépare ses mutations. Il doit donc, par une propagande et une éducation constante de ses cadres, de ses militants et de ses adhérents, se préparer à utiliser chaque occasion exceptionnelle pour abattre un pan de l’édifice capitaliste. Savoir diriger les lames de fond de l’opinion vers des objectifs de structure hors de portée dans des moments tranquilles, tel doit être le sens de la tactique du socialisme du 20e siècle. Il est clair que la période 1932-36, la période 1944-47 et l’année 1950 représentent autant d’occasions manquées pour la réalisation de vraies réformes de structure. Les militants syndicalistes et socialistes doivent se préparer dès maintenant. Il faut éviter à tout prix que la prochaine explosion de colère ne s’apaise encore une fois par la promesse de quelques avantages matériels dans le cadre du capitalisme social109. »
NOTES
1Pierre Tilly, André Renard, Le Cri édition, Bruxelles, 2005, ISBN 978-2-87106-378-0.
2 Sa relation à l’UCL y est certainement pour quelque chose
3 L’auteur se distancie de deux mythes : celui d’André Renard faisant partie des Brigades internationales et ayant combattu les armes à la main le fascisme espagnol et celui de Renard faisant partie d’un gouvernement wallon provisoire lors de l’affaire royale.
4 Un système particulier de mesure, de contrôle et d’élévation des cadences de travail. Pierre Tilly, op. cit., p. 44.
5 Parti ouvrier belge.
6 Pierre Tilly, op.cit., p. 59.
7 Ibid., pp. 61-62.
8 Le modèle scandinave dans les années 30. Ibid., pp. 75-81.
9 Pierre Tilly, op. cit., p. 95.
10 Ibid, p. 106.
11 Ibid., p. 109.
12 Ibid., p. 140.
13 Le POB.
14 Pierre Tilly, op. cit., p. 146.
15 Ibid., p. 150.
16 Ibid., p. 86.
17 Pour avoir refusé le front unique proposé par les communistes allemands.
18 Pacte de non-agression entre l’URSS et l’Allemagne nazie après que la France et l’Angleterre ont refusé de s’allier avec l’URSS contre le nazisme et qui a fait gagner aux Soviétiques un temps de préparation précieux. Pierre Tilly, op. cit., p. 89.
19 Devenu président du POB, De Man a dissous son parti et accueilli les nazis comme libérateurs.
20 Union des travailleurs manuels et intellectuels
21 Pierre Tilly, op. cit., p. 718, note 19.
22 Ouvriers qui refusent d’aller travailler en Allemagne.
23 Pierre Tilly, op. cit., pp. 157-163.
24 Comités de lutte syndicale.
25 Mouvement métallurgique unifié.
26 Mouvement syndical unifié.
27 Parti communiste de Belgique.
28 Pierre Tilly, op. cit., p. 169.
29 Ibid., pp. 178-179.
30 Il y en aura neuf dans les années d’après-guerre.
31 Confédération des syndicats chrétiens.
32 Fédération générale des travailleurs de Belgique.
33 Pierre Tilly, op. cit., p. 187.
34 Ibid., p. 195.
35 Ibid., pp. 206-207.
36 Ibid., pp. 213-214.
37 Parti socialiste belge.
38 Pierre Tilly, op. cit., pp. 265, 267.
39 Ibid., p. 282.
40 Ibid., p. 283.
41 Ibid., p. 292.
42 Ibid., p. 295.
43 Ibid., p. 301.
44 Ibid., p. 308.
45 Ibid., pp. 294-310, sur l’affaire royale et le rôle de Renard.
46 Ibid., pp. 311-312.
47 Ibid., p. 328.
48 Ibid., p. 362.
49 Pour être travailliste, toute référence au marxisme ou doctrinaire doit être abandonnée ; pour l’unité des travailleurs, il faut rassurer sur la question religieuse, l’anticapitalisme de principe, l’étatisme ou le dirigisme. In fine, une distanciation avec le PSB et une unité voire une fusion avec la CSC sont nécessaires.
50 Société nationale de crédit à l’industrie.
51 Pierre Tilly, op. cit., p. 375.
52 Ibid., p. 377.
53 Ibid;., pp. 378-379
54 Ibid., p. 386
55 Ibid., p. 387.
56 Ibid., p. 389
57 Ibid., p. 416
58 Ibid., p. 422.
59 Ibid., p. 433.
60 Ibid., p. 446.
61 Force ouvrière, scission de la CGT favorisée par la CIA.
62 Pierre Tilly, op. cit., pp. 449-450.
63 Ibid., p. 455. Le comité est composé de 16 producteurs, 16 utilisateurs et 17 travailleurs. Pour Renard, le groupe ouvrier devait avoir la moitié des sièges (voir p. 464).
64 Ibid., p. 471.
65 Ibid., p. 477.
66 Ibid., p. 491.
67 Ibid., p. 498.
68 Ibid., p. 523.
69 Ibid., p. 527.
70 Union belge pour la défense de la paix.
71 Pierre Tilly, op. cit., p. 536.
72 Ibid., p. 541.
73 Ibid., p. 543. Sur l’AMI, les mutuelles et la politique de santé de Renard, voir pp. 538-543.
74 Ibid., p. 556.
75 Ibid., p. 557.
76 Ibid., p. 563.
77 Ibid., p. 580.
78 Ibid., p. 590.
79 Ibid., p. 604.
80 Ibid., p. 608.
81 Ibid., p. 611.
82 Ibid., p. 613.
83 Ibid., p. 618.
84 Ibid., p. 622.
85 Ibid., p. 628.
86 Ibid., p. 630.
87 Ibid., p. 634.
88 Ibid., p. 638.
89 Ibid., p. 641.
90 Le PSB interdira bientôt ce cumul.
91 Pierre Tilly, op. cit., p. 650.
92 Ibid., p. 658.
93 Ibid., p. 669.
94 Ibid., p. 671.
95 Ibid., p. 674.
96 Ibid., p. 681.
97 Ibid., p. 692.
98 André Renard écrivait…, p. 56, compilation de la FAR (Fondation André Renard). Voir aussi Jo Cottenier et Kris Hertogen, Le temps travaille pour nous, militant syndical dans les années 1990, EPO, 1991, p. 215.
99 Ibid., p. 75.
100 Stratégie ouvrière vers une société socialiste, Actes du colloque de Pont-à-Lesse, 3 au 6 mai 1973, FAR, pp. 70-71.
101 Rebaptisé plus tard PSB, avant de se scinder en deux partis, le PS en français et le SP en néerlandais.
102 Lénine écrit : « Marx et Engels ont combattu sans merci ceux qui oubliaient la distinction des classes, qui parlaient des producteurs, du peuple et des travailleurs en général. » Lénine, oeuvres, t. 32, éditions sociales, p. 262.
103 Jo Cottenier, Patrick Deboosere et Thomas Gounet, La Société générale : 1822-1992, EPO, 1989, p. 106.
104 Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche, éditions Complexe, 2000.
105 Jo Cottenier, Patrick Deboosere et Thomas Gounet, op. cit., p. 108.
106 Ibid., p. 140.
107 à ces moments-là, Renard se déclare travailliste, défenseur absolu de l’unité de la classe ouvrière, au-delà des clivages idéologiques et religieux
108 Ce n’est pas sans raison que lors du centenaire du POB en 1986, le PSB édite le livre Le panthéon des grands et qu’André Renard s’y trouve.
109 André Renard, Vers le socialisme par l’action, septembre 1958, pp. 51-52.